Créer un espace sûr: Pour le dialogue sur les valeurs et l'éthique

Débarrassez vos conversations sur les valeurs et l'éthique de la gêne et de l'anxiété. Cet outil vous donnera quelques conseils sur la façon d'encourager les gens à s'engager sans crainte dans un dialogue ouvert et sincère.

Le besoin d'un espace sûr

Lorsqu'elles font face à un dilemme moral ou simplement à une question délicate au sujet des valeurs institutionnelles, de nombreuses personnes hésitent à en discuter avec leurs collègues. Certaines craignent les représailles pour avoir trop parlé. D'autres ont peur d'être perçues comme des fauteurs de trouble (comme n'étant pas solidaires de l'équipe), sans parler des dommages à long terme que la situation pourrait causer à leur carrière. Les conflits interpersonnels entraînent souvent des blessures émotionnelles, une baisse de l'estime de soi et le manque de respect de soi, c'est pourquoi on tente de les éviter le plus possible. La plupart du temps, les gens ont simplement peur de l'inconnu, et discuter de questions d'éthique revient bien souvent à ouvrir la boîte de Pandore. La suite des événements n'est pas toujours évidente.

L'expérience montre que lorsque des enjeux concernant les valeurs et l'éthique ne sont pas traités de façon réfléchie et proactive, ils peuvent dégénérer en controverses majeures. S'ils ne disposent pas d'un moyen pour étudier une questions morale, les gens ont tendance à se sentir piégés et ils peuvent même recourir à des mesures qui vont à l'encontre du but recherché. À ce stade, il est peut-être trop tard pour résoudre la question de façon satisfaisante. Comment les cadres peuvent-ils encourager les autres à discuter des questions morales auxquelles ils font face dans un esprit d'ouverture et de coopération? Que peut-on faire pour surmonter notre réticence à nous engager dans une discussion constructive?

Évidemment, les réponses à ces questions varient selon l'importance et l'ampleur des dilemmes à résoudre. Dans le cas d'une violation de loi ou d'un acte de corruption, les procédures et les mesures de protection formelles (par exemple la protection du dénonciateur) doivent être mises en place pour protéger ceux qui ont déclenché l'alarme. Heureusement, la grande majorité des questions morales auxquelles les fonctionnaires font face ne font pas partie de cette catégorie. En fait, la plupart ne sont même pas des questions morales, mais simplement des questions concernant des valeurs possiblement contradictoires. Comment lancer la discussion dans de tels cas?

La solution est de créer un « espace sûr » dans lequel les gens se sentent à l'aise de parler sincèrement et franchement des valeurs et de l'éthique. Note de bas de page 1 Il s'agit d'un environnement dans lequel les gens éprouvent un sentiment d'appartenance et où ils peuvent exprimer leurs opinions sincèrement sans éprouver le besoin de s'auto-censurer. Dans un espace sûr, les gens sentent qu'on les écoute et qu'on les prend au sérieux. On tient compte de leurs opinions, et si une action est justifiée, ils ont l'assurance qu'un suivi sera effectué. Les gens participent volontiers et travaillent de pair pour trouver des solutions communes. Mais le plus important, c'est qu'un tel espace offre une sécurité. Ceux qui s'engagent dans un dialogue n'ont aucune raison de craindre des conséquences néfastes éventuelles.

En d'autres mots, un espace sûr n'est pas nécessairement un endroit spécifique réservé à la discussion, comme une pièce distincte sur le lieu de travail. Il s'agit plutôt (métaphoriquement) d'un environnement et d'une atmosphère dans lesquels les gens évoluent. Par ailleurs, il ne s'agit pas d'un endroit où l'on peut laisser libre cours à ses frustrations, ses plaintes et ses griefs de façon inconsidérée. Le respect, le décorum et la courtoisie sont de mise. Les gens doivent laisser leurs problèmes à la porte. Un espace sûr a pour but de désamorcer les tensions improductives et non de leur permettre de se développer.

Si quelqu'un a besoin de créer un espace sûr pour le dialogue, comment s'y prend-il? Cet outil fournit des conseils sur la façon de créer un tel espace d'après les preuves et les analyses trouvées dans la documentation sur le sujet. Le but est d'aider à relancer le dialogue sur les valeurs et l'éthique en milieu de travail.

Bâtir les fondations d'un espace sûr

La notion d'« espace sûr » n'est pas nouvelle. En effet, de nombreuses sociétés autochtones ont traité les questions morales en se rassemblant et en formant un cercle, en espérant que la décision prise en commun soit ensuite appliquée dans la vie de chaque personne concernée. Or, dans le monde du travail d'aujourd'hui, les traditions culturelles et les normes communautaires qui permettent de tels rassemblements existent peu. En fait, la nature mouvementée, formelle et hiérarchique du monde du travail moderne constitue souvent un défi pour ceux qui veulent créer des espaces sûrs

Il existe de nombreux écrits sur ce qui donne aux gens un sentiment de « sécurité psychologique » au travail. Il est normal que les gens craignent davantage les conséquences immédiates de leurs paroles plutôt que les conséquences à long terme de leur inaction. Note de bas de page 2 Les conditions sont sûres lorsque les gens savent ce qu'on attend d'eux et lorsqu'ils connaissent les conséquences possibles de leurs actes. Inversement, on dit que les conditions ne sont pas sûres lorsque l'environnement est menaçant, ambigu et imprévisible. Note de bas de page 3

Le principal facteur qui contribue à créer un sentiment de sécurité réside dans les relations qu'une personne entretient avec son supérieur et la perception de la fiabilité de ce dernier. Après avoir été évalué, on a découvert que le rôle du supérieur avait une influence deux fois plus importante que tout autre facteur. Mais quels sont, plus précisément, les comportements de gestion qui créent cette relation? Il en existe au moins huit Note de bas de page 4 :

Cohérence.
Les supérieurs ont plus de chances d'être perçus comme des personnes loyales lorsqu'ils sont cohérents et prévisibles dans leur façon de se comporter, peu importe le temps qui passe et la variété des contextes.
Donner le ton.
Les supérieurs qui inspirent confiance prêchent par l'exemple ou, en d'autres termes, font preuve d'une grande constance entre ce qu'ils disent et ce qu'ils font.
Responsabilité partagée.
Au fur et à mesure que les employés ont la possibilité de participer et d'échanger, ils acquièrent un certain contrôle qui leur donne un sentiment de sécurité. Ceci oblige les supérieurs à déléguer certaines responsabilités et à se sentir à l'aise de travailler en équipe pour trouver des solutions. Les supérieurs exercent leur autorité beaucoup plus efficacement par la persuasion que par l'imposition.
Communication précise.
Trop souvent, les supérieurs communiquent des messages contradictoires ou ont l'air d'éluder les questions. Les résultats de la recherche suggèrent aux supérieurs d'expliquer ce qu'ils font et ce qu'ils ont l'intention de faire de façon précise et ouverte.
Accessibilité.
Les supérieurs qui sont accessibles et faciles d'approche, et qui font preuve d'ouverture, minimisent l'impression qu'il existe une barrière psychologique dans les dialogues entre eux et leur personnel. Cette barrière est davantage réduite lorsque les gestionnaires expliquent et justifient leurs actions.
Demande de rétroaction.
Les supérieurs qui demandent régulièrement et activement de la rétroaction contribuent à créer un sentiment de sécurité en prouvant régulièrement aux autres que leurs commentaires sont importants.
Humilité.
Les gens sont sensibles aux différences de statut et ils peuvent ériger des barrières à la communication en tentant de compenser pour ces différences. Des signes explicites d'humilité, de faillibilité et de vulnérabilité sont synonymes d'humanité et éliminent partiellement le problème du statut.
Souci des autres.
Enfin, les gens se sentent plus enclins à s'ouvrir lorsque les supérieurs manifestent une préoccupation face à l'enjeu moral en question. Cette inquiétude peut se traduire par la considération profonde des commentaires des employés, des signes évidents d'empathie et un travail actif pour protéger les intérêts des gens. Les supérieurs doivent toutefois agir avec prudence. Si une manipulation ou de l'exploitation est détectée, la confiance et le sentiment de sécurité seront perdus. De plus, lorsque les gens sont très sensibles aux différences de statut social, des démonstrations superficielles ou symboliques de sympathie peuvent être perçues comme étant offertes par « quelqu'un de haut placé à quelqu'un de moins haut placé ». Note de bas de page 5

Ces facteurs prouvent qu'il est important pour les supérieurs de soutenir leurs employés et de travailler de façon à ce que les choses soient plus claires.

Bien que les supérieurs puissent contrôler directement leur propre comportement afin que les gens se sentent en sécurité, ce sentiment peut aussi être renforcé par des moyens indirects. Ils peuvent jouer un rôle constructif de façon à favoriser des relations de travail basées sur le soutien et la confiance. Plus précisément, les collègues qui se font confiance « expriment généralement un souci du bien-être de l'autre, ils croient en l'avantage intrinsèque d'une telle relation, et ils sont prêts à s'investir émotionnellement dans la relation » Note de bas de page 6, ce qui exige de cultiver un sentiment de collégialité et une reconnaissance du bien-être collectif. De plus, il est bon que chacun comprenne les limites du comportement approprié afin que les gens sachent où ils se situent. Lorsque ces normes dominantes ne sont pas comprises, les gens se sentent moins en sécurité.

Créer l'espace de dialogue

Le dialogue est une « une conversation pourvue d'un axe central [sic] et dépourvue de frontières latérales. Il s'agit d'un moyen qui permet de mobiliser l'énergie issue de nos différends pour la canaliser vers la création d'une chose qui n'a encore jamais été créée. » Note de bas de page 7 En d'autres mots, le dialogue est différent d'un débat dans lequel des rivaux défendent des opinions opposées avec fougue dans le but de « gagner » une discussion. Le dialogue suppose de travailler ensemble pour surmonter les divergences et atteindre un objectif commun. L'ouverture, la sincérité et l'écoute sont essentielles à un dialogue sain. Et comme on peut s'y attendre, cela suppose de créer un espace sûr.

C'est une chose de bâtir des fondations culturelles solides axées sur la sécurité et la confiance au sein de votre organisation. Mais c'en est une autre d'entretenir cet espace sûr pendant un dialogue difficile. Alors comment créer un espace sûr pour une conversation réelle sur les valeurs et l'éthique? Encore plus important : comment entretenir ce sentiment de sécurité et comment savoir si ce sentiment est menacé? Pour répondre à ces questions, divisez le dialogue en étapes.

La preparation

Avant de se lancer dans une conversation, il est bon de s'arrêter et de faire le point sur la situation. L'invitation à la conversation qui vous est offerte peut vous en dire beaucoup. La façon dont les questions sont formulées ou les signes subtils donnés par l'un des interlocuteurs peuvent donner le ton à la conversation. Il est essentiel de chercher des signaux d'avertissement dans le comportement des autres. Mais en quoi consiste précisément cette analyse de la situation?

La conscience de soi.
Se préparer pour un dialogue commence par une évaluation de soi-même. L'initiateur d'une conversation doit connaître les signes (subtils et non subtils) donnés lorsqu'il invite d'autres personnes à converser. Garder son sang-froid signifie connaître ses propres « zones de danger », les sujets épineux qui provoqueront probablement chez nous des réactions émotionnelles improductives et des interventions réflexes.
Prendre le pouls.
Un certain courage est nécessaire pour discuter de sujets délicats. Les discussions superficielles et trop diplomatiques sont certainement sans danger, mais elles ne mènent généralement pas à grand-chose. Dans une conversation difficile, la sécurité est souvent favorisée par la présence d'un astucieux observateur des enjeux émotionnels et de la capacité des autres à discuter de sujets possiblement controversés. Il est bon de se poser quelques questions. Par exemple, quels sont les enjeux d'identité et d'égo concernés? Que connaît-on des habitudes du participant à s'engager dans un dialogue sincère ou de ses aptitudes de conversation de tous les jours?
Écoute de tout le corps.
Il a été prouvé que plus de la moitié d'une communication interpersonnelle est non verbale, et que plus d'un tiers dépend de l'accentuation et de l'intonation, ce qui laisse croire que le langage corporel utilisé (gestes, expressions du visage, posture et distance physique) et la forme linguistique sont plus éloquents les mots. Note de bas de page 8 Une différence entre les mots utilisés et les autres éléments de communication jettera un doute. Il est très important d'être conscient des signes subtils donnés par les autres et qui suggèrent un malaise émotionnel et une attitude défensive.
Équilibre sensoriel.
Porter attention au langage corporel d'autrui n'est pas suffisant. Les interlocuteurs doivent également faire attention de ne pas donner de mauvais signes en ayant un comportement adéquat. Au minimum, cela signifie faire preuve de calme et démontrer de l'intérêt, par exemple en adoptant une posture attentive. Note de bas de page 9 Idéalement, cela signifie atteindre ce que Diane Bone appelle un « équilibre sensoriel » entre les participants. C'est un rapport dans lequel l'intonation, le vocabulaire, les mouvements et la respiration des participants sont en synchronisation. Note de bas de page 10
Éviter les jugements.
Les gens s'engagent dans une conversation avec des idées préconçues, des hypothèses et des expériences qui forment les signes que les autres remarqueront et la façon dont on arrive à un jugement. Il n'est pas suffisant d'avoir l'esprit ouvert; les interlocuteurs devraient également s'empêcher d'exprimer des jugements impulsifs ou de formuler des conclusions hâtives. Ces interventions indiquent aux autres une réticence à écouter et à prendre des décisions en commun. Vous devez donc garder vos critiques pour vous. Vous devez également reconnaître les « filtres d'écoute » des autres ou les éléments des expériences et idéologies passées qui forgent la façon dont on écoute et interprète. Note de bas de page 11
Fixer des attentes.
Les questions morales et les questions sur les valeurs ne mènent pas toujours à des jugements « bon ou mauvais » ou même à des solutions bien définies. Souvent, le défi consiste à choisir entre deux « bonnes » réponses. Faites savoir à l'avance qu'il s'agit là de questions difficiles dont les solutions se présentent parfois sous des formes inconnues.

L'ouverture

Le début d'une conversation est habituellement la partie la plus difficile, voire la plus stressante. Les autres peuvent être sur leurs gardes, adopter un discours diplomatique et traiter les questions uniquement de façon superficielle. Heureusement, la participation à un dialogue est volontaire, et l'invitation à converser peut, en elle-même, être une façon de réduire la tension et d'abattre les barrières. Il y a certaines choses à prendre en considération au début d'une conversation qui peuvent aider à désarmer les autres de manière constructive.

Nommer les peurs.
En nommant une peur et discutant ouvertement de cette dernière, la tension est réduite et les solutions sont plus susceptibles de calmer les inquiétudes des autres. Avouer ses peurs est également la preuve d'une compréhension des enjeux en question. Note de bas de page 12
Révélation de soi.
Comme nous l'avons mentionné, discuter de sujets délicats demande un certain courage. Révéler ses propres conflits intérieurs, ses insécurités et ses vulnérabilités peut démontrer une volonté à prendre des risques, ce qui encourage les autres à faire de même. Une révélation de soi de ce genre peut aussi être un signe de respect et de solidarité. Note de bas de page 13
Énoncer ses intentions.
La transparence atténue les peurs que les autres n'aient des intentions cachées. Les intentions de quelqu'un, cependant, ne sont pas directement visibles. Les gens méfiants peuvent même vous attribuer des motivations inexactes et répréhensibles. Énoncer ses intentions dès le départ contribue grandement à éliminer le mystère. Ce faisant, vous vous assurez ainsi que tout le monde a les mêmes attentes que vous. Ceci étant dit, les intentions ne doivent pas être le principal sujet de conversation sur les valeurs et l'éthique car elles vous détournent des questions en jeu et poussent les gens à être sur la défensive. Note de bas de page 14 Énoncer vos intentions dès le départ vous permet de passer à autre chose.
Souligner la réciprocité.
Le facteur qui contribue à un espace de conversation sûr qui a été cité le plus souvent est l'expression des objectifs et du respect mutuels. Jusqu'à un certain point, c'est même propre à la méthode du dialogue, qui tourne autour de l'exploration commune des enjeux et de la création de solutions en partenariat. Il est bon d'insister sur la réciprocité dès le départ, et de s'assurer que celle-ci n'est pas oubliée au cours de la conversation.
Point de vue externe.
Lorsque quelqu'un se joint à une conversation en formulant les sujets selon son propre point de vue, il y a un risque de provoquer des réactions défensives. Cela peut vouloir dire que cette personne voit les choses de façon égocentrique plutôt que de tenter de comprendre les points de vue des autres. Note de bas de page 15 Ce risque peut être évité en parlant du point de vue d'une tierce partie. Comment un observateur neutre caractériserait-il la situation? Les idées peuvent-elles être exprimées de façon à ne pas favoriser outre mesure l'opinion d'une personne? Le recours à cette façon de faire encourage l'initiateur de la conversation à voir les enjeux d'un œil plus analytique.
Règles de base.
La sécurité revient à savoir quel comportement est approprié et quel comportement ne l'est pas. La plupart de ces principes d'interaction sont sous-entendus et constituent des normes de bonne conduite comprises de tous. Il peut s'avérer efficace de souligner certaines règles d'engagement, surtout lorsque plusieurs personnes participent à la conversation. Par exemple, il peut être bon de demander aux gens de ne pas interrompre les autres. Certaines règles de base spécialement créées dans le but de favoriser une conversation ouverte exigent des participants qu'ils s'engagent à respecter la confidentialité et à ne pas rapporter les opinions exprimées par autrui à l'extérieur de la conversation (du moins pas sans permission).

La discussion

C'est pendant la discussion réelle que la sécurité est la plus importante. C'est à cette étape que l'essentiel des valeurs et de l'éthique est discuté avec sincérité et en profondeur. Il y a un certain nombre de choses à faire pour s'assurer que la sécurité est maintenue, même pendant les points chauds de la conversation :

Rythme confortable.
Si une conversation est précipitée ou insérée dans une casehoraire trop restreinte, le sentiment de sécurité peut être compromis pour deux raisons. D'abord, une discussion précipitée peut alarmer les participants en raison du sentiment d'urgence ressenti. Ensuite, le rythme rapide élimine la possibilité de penser et de réfléchir, poussant les gens à prendre des décisions hâtives. Note de bas de page 16 Il est possible que le problème ne puisse être résolu dans un court laps de temps. La clé est de ne pas s'attendre à une solution rapide.
Expression modérée.
Formuler les phrases de façon constructive, respectueuse et sensible contribue grandement à faire baisser la tension émotionnelle d'une conversation. Utiliser des termes et des phrases chocs pour provoquer les autres fera monter cette tension. Il peut être tentant de jouer le rôle de « l'avocat du diable » pour que les gens cessent de tergiverser et les pousser à confronter certains problèmes, mais vous obtiendrez sans doute des réactions défensives et vous contribuerez à l'instabilité émotionnelle du dialogue. Il est donc nécessaire d'être conscient du langage utilisé et de la façon dont certains termes et certaines phrases seront interprétés. Note de bas de page 17
Clarté d'expression.
Parler en termes vagues, figuratifs ou utiliser des euphémismes peut susciter chez l'orateur un sentiment de sécurité en évitant les controverses et en masquant le manque de connaissances. Or, parler de cette façon engendre l'effet contraire chez l'auditeur. L'ambiguïté rend les gens inquiets. La clarté aide également les gens à formuler des conclusions sensées plutôt que floues, ce qui est impératif pour les discussions sur les valeurs et l'éthique.
Questionnement constructif.
Certaines questions sont en fait des énoncés déguisés : « Ne croyez-vous pas qu'il serait préférable de simplement faire les choses de cette façon? » Certains peuvent limiter de manière déraisonnable les réponses disponibles et faire sentir aux autres qu'ils sont accolés au mur : « Est-ce arrivé ou non? » Les questions peuvent être insidieuses ou peuvent forcer les autres à être d'accord. Ce genre de questions non constructives devraient être évitées. Les questions devraient plutôt avoir pour but d'éclaircir la situation et de permettre aux autres de s'exprimer complètement.
Évaluer les problèmes de sécurité.
La sécurité peut être en danger à tout moment de la conversation. Comme Douglas Stone et ses collègues l'expliquent, cela exige de l'auditeur un « processus double »; c'est- à-dire qu'il doit être conscient du contenu de la conversation ainsi que des conditions environnantes. Note de bas de page 18 Les signes à observer comprennent une tendance des autres à : a) cacher la signification ou énoncer ses opinions de façon sélective; b) forcer les autres à accepter une signification particulière; c) éviter les sujets délicats ou montrer des signes de désistement; et d) montrer des signes émotionnels tels qu'un changement d'intonation. Note de bas de page 19
Décorum.
Comment équilibrer la sincérité et la sécurité lorsque des sujets délicats (voire explosifs) sont abordés? Charles Garfield et ses collègues font une distinction utile entre l'honnêteté brutale (« qui peut être exacte mais inutilement blessante ») et la vérité (« qui tient compte du contexte en général ainsi que de la vulnérabilité et de l'état d'esprit des autres »). Note de bas de page 20 Cela ne revient pas à dire que des sujets possiblement provocateurs ou même pénibles ne doivent pas être abordés. Cela signifie simplement que certains commentaires peuvent tellement semer la discorde qu'ils poussent les gens à reculer et au pire, peuvent créer des ruptures durables dans la relation.

Conclure

Une conclusion ne peut être imposée à personne. Il peut être tentant de clore prématurément une conversation qui traîne en longueur, mais à moins de trouver une solution qui plaise à tout le monde, cette méthode peut s'avérer risquée et improductive. Il est toujours possible de continuer la conversation si un conflit d'horaire survient, en autant que cet ajournement ne soit pas une tactique pour éviter les sujets épineux. Il est important de garder un certain nombre d'éléments à l'esprit quant à la conclusion d'un dialogue.

Donner des conseils.
Lorsqu'un conseil non sollicité est donné sur un sujet délicat (ou à une personne particulièrement méfiante), il y a un risque que le conseil soit perçu comme une menace ou une imposition. Idéalement, le dialogue mènera une personne à ses propres conclusions ou, grâce à des questions constructives, les conclusions se révèleront d'elles-mêmes sans aucun besoin de recommandations. Il peut être suffisant de demander à l'autre personne de donner des conseils ou de passer en revue ce qui a été appris pendant le dialogue.
Revoir la solution.
Une fois que la conversation a été conclue par tous, il peut être utile de renforcer ou de rassurer les interlocuteurs en revoyant les terrains d'entente. Vous pouvez ainsi vérifier rapidement que tout le monde a bien compris et vous assurer que les attentes ont été comblées.
Suivi.
Si des actions doivent être prises, il est nécessaire de prendre les mesures appropriées pour qu'elles le soient. Tel que souligné précédemment, l'incohérence entre les actions et les mots peut rapidement mener au cynisme et à un sentiment général d'insécurité. Énumérer les « étapes à venir » et tenir les autres au courant des étapes marquantes complétées est une excellente preuve de constance.

Il est possible de poursuivre avec des conseils sur la façon d'assurer un dialogue calme et productif. Il est aussi utile d'insister sur le fait que l'établissement d'un dialogue est un art qui requiert une certaine créativité. Néanmoins, en suivant ces conseils, un aspect crucial du dialogue ne sera pas oublié, c'est-à-dire s'assurer que les participants se sentent en sécurité et en confiance.

Conclusion

Il est maintenant clair qu'il n'est pas toujours simple de créer un espace sûr. Les gens ne se sentiront pas toujours automatiquement en sécurité. Cela demande beaucoup de travail et un changement à long terme dans la façon de travailler de chacun. Cependant, créer cet espace est un investissement judicieux. Traiter les questions sur les valeurs et l'éthique proactivement par le dialogue est la meilleure façon d'affronter les risques et d'aider les autres à se sentir reconnus dans leur organisation.

Référence

Peter Stoyko, Recherche et relations universitaires
© 2004, École de la fonction publique du Canada
L'équipe du leadership pour les valeur et l'éthique