Être parent à l’ère numérique

Volume 24-2

Avec l’internet sans frontières, les enfants sont constamment exposés à des propositions de consommation et de divertissement de toutes sortes. Ils peuvent se retrouver bien démunis quand vient le temps de décoder et interpréter les messages reçus par le biais de contenus souvent à l’état brut. C’est dans cet esprit que ce bulletin vous propose de réfléchir aux enjeux centraux entourant la parentalité à l’ère numérique : comment encadrer et mener nos enfants vers une utilisation saine de ces machines désormais inévitables dans nos vies ?

Elle est train de disparaître cette époque où parents et enfants partaient ensemble vers le club vidéo pour louer un film le vendredi soir… Avec les avancées technologiques spectaculaires de la dernière décade, nos enfants sont eux aussi submergés par l’immédiateté des contenus numériques de l’heure. Cette instantanéité réduit de facto chez le petit le besoin de cultiver sa patience et de développer la capacité à attendre. Comme nous, les enfants sont dorénavant à deux clics d’accéder à leur vidéoclip populaire préféré ou encore au jeu vidéo en ligne dont tout le monde parle.

Est-ce à dire qu’il s’agit de l’ère de la satisfaction instantanée des plaisirs ?

Illimités… les désirs ?

C’est précisément au sujet de la notion du plaisir que les progrès numériques vertigineux rendent la tâche parentale plus complexe. En effet, si l’internet contribue à nous faciliter la vie en réduisant considérablement nos efforts pour obtenir différents produits, il nous met tous au défi de s’imposer des limites ! Pour un enfant, mieux vaut apprendre plus tôt que tard comment naviguer à travers cette abondance d’offres faciles, gratuites en apparence, mais souvent inappropriées pour son niveau de compréhension et son âge. Rappelons que ce n’est pas avant l’âge de l’entrée au secondaire que le pré adolescent accède intellectuellement à la capacité de saisir le second degré des contenus audio et vidéo, messages publicitaires et autres sollicitations qu’il reçoit en ligne. Il est difficile, mais non moins inquiétant, d’évaluer l’impact socio affectif que des images explicites non interprétées ont sur un enfant d’âge primaire.

Bien sûr, il est parfois facilitant pour le parent de syntoniser une chaîne de dessins animés en continu, ou sur internet, de mettre le film ou la série favorite de son enfant pour avoir une petite pause. Tous les parents ont besoin de souffler de temps en temps sans se préoccuper de stimuler leurs enfants sur le plan éducatif. Les écrans sont indéniablement pratiques notamment quand vient le temps de combler un temps mort au restaurant, à la clinique ou pendant la préparation du souper. Mais comment apprendre à nos enfants à s’arrêter ?

Un terrain de jeu sécuritaire

En posant des limites en fonction de l’âge et du développement cognitif de son enfant, un parent installe chez lui les bases d’une sécurité intérieure. Le cadre disciplinaire, c’est-à-dire le type de règles installées à la maison, est en quelque sorte le « terrain de jeu » de l’enfant. Cet espace aux frontières bien définies détermine là où le petit doit s’arrêter, pour sa sécurité. Le parent en élargie la périphérie au fur et à mesure que l’enfant développe sa maturité affective, cognitive et sociale.

Un parent averti en vaut deux!

Il est important de rappeler qu’un parent qui connaît lui-même les technologies sera plus à l’aise pour guider son enfant à travers l’exploration des différents sites internet. À l’inverse, le parent réfractaire aux progrès numériques aura le réflexe de mettre davantage de restrictions, ce qui aurait pour conséquence d’isoler l’enfant socialement. Dans la littérature, il existe en effet très peu d’évidences à l’effet que les restrictions protègent les jeunes contre l’exposition à des risques tels que la cyber intimidation. Autrement dit, pour diminuer les probabilités de ces mauvaises expériences virtuelles, il vaudrait mieux pour le parent discuter ouvertement avec son enfant des relations qu’il entretient sur la toile plutôt que d’en limiter seulement le temps et le contenu.

Dans le même ordre d’idée, les heures que le parent consacre lui-même aux écrans, ainsi que sa façon de les utiliser servira de référence à l’enfant. Par exemple, si un parent passe plusieurs minutes devant son téléphone intelligent durant les repas familiaux, l’enfant comprendra qu’il s’agit là d’une pratique « normale » et souhaitable pour lui-même. Enfin, la co-utilisation des appareils numériques (par ex., les jeux vidéos) par les parents et les enfants peut être pertinente lorsqu’elle permet d’ouvrir une discussion. A contrario, elle n’est pas souhaitable lorsque le parent ne fait que « jouer » pour son propre plaisir sans guider sa progéniture.

En d’autres mots, les valeurs véhiculées par les parents ont une grande influence sur la place que prennent les médias et les appareils numériques dans une maison (p.ex., télévision toujours ouverte, cellulaire à table, au coucher, en voiture, etc.).

Être un parent de son temps

Lorsque nous consultons les différents guides parentaux et les avertissements des associations pédiatriques, nous sommes parfois surpris d’y lire qu’il faudrait strictement interdire les écrans aux bébés de 0 à 2 ans et en limiter à 1 heure d’exposition par jour les petits de 2 à 5 ans. De fait, malgré ces lignes directrices, la tendance occidentale va bien au delà de ces recommandations, notamment durant la période de l’adolescence où les écrans de tous genres sont omniprésents dans leur vie : à la maison ou ailleurs pour se divertir et communiquer avec ses amis, à l’école comme support aux apprentissages. Plusieurs recherches suggèrent pourtant de réels problèmes sur l’hygiène de vie associés à cet excès de temps écran (par ex., surpoids, problèmes de sommeil) et soulignent à grands traits l’importance du rôle des parents dans l’encadrement de la routine quotidienne de son enfant.

Au-delà des bonnes pratiques et des recommandations d’experts, il paraît donc avisé pour un parent d’observer d’abord sa propre consommation, ses valeurs et son comportement vis-à-vis des technologies afin d’ajuster sa conduite à celle qu’il préconise et désire transmettre à son enfant.

En effet, d’un côté nous savons qu’une attitude de fermeture complète face aux technologies numériques n’aidera pas le parent à établir un canal de communication fluide avec son enfant sur le sujet. Bien que les enfants d’aujourd’hui soient littéralement nés dans une ère marquée par l’omniprésence de ces écrans, ils ont besoin de notre soutien pour se positionner face à ces engins numériques. De l’autre côté, une trop grande ouverture (laxisme parental), sans limitation des heures passées devant les écrans ni contrôle du contenu consommé ne contribuera pas à développer chez son enfant une attitude critique d’auto-analyse face à ce qu’on lui propose sur internet, pas plus que la capacité à ressentir dans son corps et sa tête qu’il est temps de fermer son écran.

La recherche de l’équilibre serait donc la clé!

L’idéal serait de tendre vers une posture d’équilibre et de cohérence qui allie à la fois nos valeurs face à l’évolution technologique, qui est bien réelle, et le style parental qui nous caractérise. De plus, suivant des indicateurs du bien-être de nos enfants, nous savons qu’il est préférable pour les parents de s’intéresser d’abord au contenu, au contexte et aux relations entretenues en ligne et dans les médias numériques utilisés par nos enfants plutôt que seulement à leur temps écran.

En terminant, tel le son d’une petite cloche, il est important pour un parent d’avoir toujours en tête le niveau de fonctionnement normal de son enfant : voir à ce que sa consommation numérique ne le limite pas dans ses autres hobbies, ni qu’elle ne nuise à son hygiène de vie (se laver, se nourrir, dormir), s’assurer qu’elle n’affecte pas ses résultats scolaires, sa motivation générale ou son envie de socialiser. Les écrans ne devraient en aucun cas mobiliser l’essentiel des pensées de nos enfants au point de l’envahir pendant d’autres activités en cours. Comme pour nous les adultes, si nos appareils mènent notre vie et contribuent à créer un sentiment de manque lorsque nous en somme privés, il est temps de s’arrêter pour faire le bilan de la place que nous voulons donner au numérique dans notre vie.

Quelques conseils aux parents

  • Identifier des moments de la journée « sans numérique »;
  • Agir comme modèle;
  • Établir un contrat familial ensemble sur le temps d’utilisation, le type d’utilisation, etc.;
  • Partager les mots de passe;
  • Placer les ordinateurs dans les espaces communs.

Les vertus de la créativité*

Il est important de réserver des périodes où rien n’est organisé pour l’enfant. Du coup, il trouvera peut-être de nouvelles fonctions à ses jouets qu’il ne voyait plus tellement il les connaît, il sera surpris de trouver des trésors en allant jouer dehors, espace extérieur qui lui semble souvent stérile. Ces moments de lenteur où il fait appel à son imagination sont bons pour lui, ils lui donnent confiance lorsqu’il a une idée inventive, et pourraient même l’aider à trouver des solutions à des situations qu’il vit au quotidien.

Ce que recommande la Santé publique

  • Éviter que l’enfant utilise des écrans dans sa chambre, peu importe le type d’écran (cet élément concerne principalement le contrôle du contenu par un adulte responsable);
  • Favoriser que notre enfant soit accompagné pour comprendre et interpréter certains contenus (p.ex. violence, guerre, etc.);
  • Privilégier un contenu éducatif pour les enfants de deux à cinq ans qui passent du temps devant des écrans;
  • Éviter d’exposer les enfants de 2 à 5 ans à du contenu à caractère violent.

Pour avoir accès à des services de soutien psychosocial confidentiels, communiquez avec votre Programme d’aide aux employés au 1-800-268-7708 ou au 1-800-567-5803 pour les sourds et les malentendants.