Êtes-vous du style optimiste?

Volume 24-1

L’expression populaire veut que la personne optimiste voie toujours le verre à moitié plein alors que la personne pessimiste, elle, le voit à moitié vide. Et la personne réaliste? Elle donne raison aux deux! Au début des années ’80, des chercheurs (Alloy &amp Abramson, 1979, Dobson &amp Franche, 1989) avaient établi que les personnes qui perçoivent plus réalistement leurs qualités, leurs défauts ainsi que les risques qu’elles encourent dans la vie avaient tendance à être plus déprimées, voire dépressives; ils ont appelé cette tendance « réalisme dépressif ». Si depuis, d’autres études (Allan &amp Hannah, 2007, Carsona, Hollonb, &amp Sheltonc, 2009, Moore &amp Fresco, 2007) ont remis en question cette conclusion, nous savons toutefois que la perception qu’une personne a d’elle-même et de son environnement influence en partie son bien-être. Quels sont donc ces types de perceptions? Quels rôles jouent-ils? Et surtout peut-on les modifier? Voici quelques questions qui seront abordées dans ce bulletin.

Pessimiste versus optimiste

Vous avez sans doute autour de vous des personnes qui ont une propension à toujours prévoir le pire ou au contraire des personnes qui voient toujours le bon côté des choses : « Cette nouvelle politique ne fonctionnera jamais », « bien non, aie confiance, ils ont dit que tout avait été prévu ». Ces façons de voir la vie sont aussi appelées « biais cognitifs ». Selon le Larousse, le mot biais signifie « Distorsion, déformation systématique d’un échantillon statistique choisi par un procédé défectueux… ». Un biais cognitif est donc une façon de penser qui est « déformée », qui dévie de la réalité. Le biais pessimiste ou optimiste est une tendance à exagérer ou à minimiser la survenue de situations négatives ou positives.

Ce n’est pas moi, c’est l’autre

Être optimiste ou pessimiste peut se remarquer par d’autres tendances. Si vous êtes du style à dire : « j’ai atteint mon quota de vente parce que j’ai de bonnes stratégies de vente », c’est que vous vous attribuez la responsabilité des événements, et que vous avez un locus de contrôle interne. À l’inverse, si vous rejetez la responsabilité des événements à l’extérieur de vous, vous avez un locus de contrôle externe, comme l’illustre cet exemple : « je n’ai pas réussi parce que les clients n’étaient pas au rendez-vous ». Le locus de contrôle (Rotter, Lefcourt) réfère au type d’explication que vous donnez aux causes d’une situation. Généralement, un optimiste possède un locus externe vis-à-vis les échecs (la faute de l’autre) et un locus interne vis-à-vis les succès (grâce à moi). Si vous avez un locus interne vis-à-vis les échecs (c’est de ma faute) et un locus externe vis-à-vis les succès (grâce aux autres) vous êtes plutôt pessimiste.

Quel est votre style?

Le psychologue Martin Seligman (2008) a élaboré une théorie afin d’expliquer pourquoi certaines personnes, face à l’adversité, demeurent optimistes envers et contre tous. Selon lui, si vous êtes optimiste vous percevez les malheurs comme temporaires, situationnels et résultants d’un cas isolé : « ça ne va pas durer, ce n’est que dans cette tâche que j’éprouve de la difficulté ». Alors que si vous êtes pessimiste vous percevez les insuccès comme permanents et vous généralisez les effets de vos malheurs, vous êtes plutôt fataliste : « ça va toujours mal, tout va mal, je ne suis bon à rien ».

Un style pour chaque occasion

Si être pessimiste entraîne plus facilement une disposition à la déprime et être optimisme favorise le bien-être, tout n’est pas noir ou blanc, et tout n’est pas rose pour les optimistes. En effet, comme le souligne Seligman si être optimiste permet de se dépasser malgré les obstacles, comme dans un milieu de travail où seulement une démarche sur dix mène à un rendez-vous avec un client potentiel, « celui-ci a déjà une assurance, mais le prochain en aura besoin d’une! », parfois être trop optimiste peut mener à de sérieuses difficultés. En effet, comment pouvez-vous bien faire une planification budgétaire si vous entrevoyez toujours l’avenir sans prévoir le pire scénario? Ou encore, si pour éviter de vous sentir moins compétent, vous rejetez la faute sur l’autre, comment pouvez-vous vous améliorer ou résoudre un conflit? À l’inverse, être pessimiste lorsqu’il est question d’évaluer un risque peut s’avérer salutaire. Enfin, être réaliste, soit tenter d’évaluer vos qualités, vos défauts et vos responsabilités à leurs justes hauteurs peut éviter bien des déceptions, comme ne pas espérer quelque chose qui serait voué à l’échec : « je suis tellement bon au basket-ball que même en mesurant 4’8’’ (1,46 mètre) je vais être recruté par la NBA ». Cela peut également vous permettre de changer certaines situations et de diminuer votre sentiment d’impuissance : « il est vrai que je fais souvent des erreurs de français, je vais suivre un cours pour m’améliorer », « j’ai été brusque dans la discussion, je vais tenter d’être plus agréable ». Par contre, être « trop » réaliste face à l’avenir en considérant tous les dangers, tous les risques et tous les malheurs potentiels peut s’avérer décourageant.

Choisir son style

Ainsi, pour être heureux, il ne suffit pas de répéter des mantras positifs comme « t’es beau, t’es fin, t’es capable », mais plutôt de savoir quand il est utile d’être positif, réaliste et parfois même pessimiste. Seligman explique qu’il faut libérer le pessimiste d’un mode d’explication qui l’empêche de vivre et l’aider à élargir les choix dont il dispose face à l’adversité. Pour ce faire, vous pouvez utiliser une technique de remise en question (Seligman, Beck). D’abord, décrivez la situation : « j’ai écrit un rapport et mon patron m’a remis le document avec beaucoup de corrections à apporter ». Deuxièmement, décrivez l’interprétation que vous en faites (vos pensées) : « je ne suis vraiment pas bon en écriture, je vais sans doute perdre mon emploi ». Puis décrivez vos émotions : « je suis triste, en colère, je me sens incompétent ». L’étape suivante consiste à confronter vos pensées, un peu à la manière d’un avocat du diable : « est-ce juste de dire que je ne suis pas bon en écriture? Non, en général j’écris de bons rapports, mon patron me dit souvent qu’il est satisfait de mon travail. Est-ce réaliste de penser que je vais perdre mon emploi? Non, on ne perd pas un emploi pour quelques fautes, je n’ai aucun autre indice que je risque de perdre mon emploi ». Finalement, trouvez des pensées/actions alternatives : « il est vrai que je fais souvent des fautes d’orthographe, c’est ma faiblesse. Je vais noter mes fautes les plus fréquentes afin d’éviter de les refaire ». À cela, un optimiste ajouterait : « une autre occasion de m’améliorer! ». Après avoir réalisé cet exercice, portez attention à l’effet de ces changements de pensées. Vous constaterez peut-être que vous vous sentez plus en contrôle, plus motivé et plus confiant en vos capacités.

Vaut-il mieux être optimiste, réaliste ou pessimiste? Si un style optimiste peut vous sauver d’une humeur dépressive et vous permettre de vous surpasser, parfois il vaut mieux choisir la prudence d’un pessimisme-réaliste. À vous maintenant de savoir si votre mode de pensées automatiques est adapté aux circonstances et s’il convient de réveiller l’avocat en vous!