Vivre avec un handicap invisible

Bonjour! Je travaille pour Service Canada depuis cinq ans et j'ai un handicap invisible.

Voici mon histoire.

Les 40 premières années de ma vie n'ont pas été faciles. Tout au long de mes études, et ensuite au travail, j'ai toujours été considérée comme quelqu'un qui avait du potentiel, mais la façon dont je me comportais socialement et professionnellement me créait des obstacles. À 40 ans, je me suis rendu compte que le handicap que j'avais m'empêchait de subvenir à mes besoins financiers. On me disait lente, stupide et bien d'autres choses qu'il ne vaut mieux pas écrire. J'ai demandé l'aide d'un psychologue du travail qui m'a diagnostiqué le syndrome d'Asperger.

Heureusement, ce diagnostic a amélioré ma situation, car il m'a permis de bénéficier de mesures d'adaptation dans un bon emploi de service à la clientèle dans le secteur privé. D'aussi loin que je me rappelle, c'était la première fois que je sentais que mon handicap n'était pas une faiblesse. Il me fallait certes plus de temps pour comprendre les nouvelles technologies et procédures, mais j'ai fini par m'épanouir. Mon rêve était de pouvoir utiliser mes compétences en service à la clientèle pour aider la population canadienne. Et j'ai rapidement constaté que les leçons apprises sur les mesures d'adaptation dans le secteur privé me seraient utiles.

Lorsque j'ai vu une offre d'emploi en service à la clientèle pour le gouvernement du Canada, j'ai répondu dans la section sur les mesures d'adaptation en présumant (à tort) que les personnes qui communiqueraient avec moi sauraient quel emploi je postulais. J'ai reçu un appel d'un employé très courtois qui faisait partie de l'équipe des mesures d'adaptation; il m'a informée qu'il avait reçu mon courriel et m'a demandé si je postulais au poste d'agent correctionnel à Cornwall. Pendant un moment, je suis restée figée et je me suis demandé comment une demande de mesures d'adaptation pour le service à la clientèle avait pu se transformer en candidature pour un poste aux services correctionnels. Bien que je respecte le travail des services correctionnels, je savais que ce ne serait pas le bon endroit pour moi et j'ai informé ce monsieur qu'en fait, je postulais au service à la clientèle. Beaucoup de gens à ma place se seraient sauvés en courant, mais je me suis raisonnée : j'étais arrivée jusqu'ici et il n'y avait aucune raison de revenir en arrière maintenant. Heureusement, j'ai été mise en contact avec un responsable de Service Canada qui a accepté de m'accorder plus de temps à l'épreuve écrite, à laquelle j'avais échoué lorsque je l'avais faite sans mesures d'adaptation. Les examens étaient difficiles, mais le temps supplémentaire qui m'a été accordé m'a permis de bien comprendre les questions posées et, après une entrevue réussie, j'ai eu le plaisir de recevoir un courriel m'annonçant que j'avais été sélectionnée pour me joindre au gouvernement. Je croyais sincèrement que mon nouvel employeur serait au courant de ma situation lors de mon arrivée.

Lorsque j'ai contacté le membre de l'équipe de recrutement pour discuter de l'offre, j'ai eu un choc. Lorsque j'ai dit au membre que j'avais le syndrome d'Asperger et que j'avais besoin de mesures d'adaptation, la personne a semblé surprise. Je me suis rendu compte qu'il y a différents volets de service à la clientèle et j'ai très probablement été qualifiée sur la base du score, mais ils n'avaient aucune idée de ma situation. L'employé m'a assuré que des mesures d'adaptation seraient envisagées. J'ai été satisfaite de cette réponse et j'ai accepté l'offre le soir même. On m'a également dit que j'aurais peut-être à présenter une preuve de mon état, et j'ai dit au membre que si on m'accordait un jour de congé, je pourrais l'obtenir auprès du docteur. Finalement, on ne m'a jamais demandé de présenter une telle preuve.

Avant même d'arriver je savais que je travaillerais dans une pièce avec un groupe de personnes très intelligentes qui avaient surpassé des milliers d'autres candidats pour obtenir leur poste. Heureusement, j'ai reçu de l'aide, mais je me sentais comme un véritable extra-terrestre, et ce sentiment a duré pendant mes premiers mois de service. Les formateurs étaient pour la plupart aimables, mais je me suis vite rendu compte qu'aucun plan n'avait été mis en place pour atténuer ma situation. Je passais les épreuves à l'écart du reste de la classe. Cette classe a très bien pu voir que j'étais différente. J'ai discrètement parlé de mon handicap à un ou deux camarades quand l'un d'entre eux me disait avoir travaillé dans l'enseignement. C'était une grave erreur, car non seulement le camarade en question m'évitait dans la salle de déjeuner, mais il a demandé à l'unique amie que je m'étais faite dans la classe de quitter ma table et de se joindre à eux. Heureusement, mon amie a rejeté sa demande très irrespectueuse.

Lorsque j'ai passé l'examen final, aucun bureau n'était disponible pour moi en dehors de la salle de formation. J'ai donc dû passer l'épreuve dans un espace bondé d'employés de Service Canada; c'était très bruyant. Heureusement, en travaillant et en étudiant plus dur que la plupart de mes camarades de classe, j'ai suivi la formation et réussi toutes les épreuves. J'ai senti que j'avais besoin de plus de soutien et je suis heureuse de dire que le syndicat m'a beaucoup aidée. Je lui serai à jamais reconnaissante. Bien que je sois partie en ayant peur d'être en marginalisée, j'ai senti que le plus important était d'être là où je voulais être et d'être prête à travailler.

La transition a été tout sauf facile. Bien que la direction ait fait de son mieux pour prendre des mesures d'adaptation, je voyais clairement qu'elle n'avait aucune expérience avec une personne ayant un handicap comme le syndrome d'Asperger. Les premiers mois ont été difficiles, mais comme d'habitude, j'ai continué à travailler deux ou trois fois plus fort que mes collègues pour maintenir le rythme. J'ai signé un contrat de cinq mois et, vers la fin, j'ai été appelée par une CEO. Elle m'a dit que j'avais échoué à la dernière séance de contrôle. Je comprends que certaines normes doivent être respectées, mais j'ai eu le sentiment que la CEO avait des préjugés personnels. Lorsqu'une cliente ne pouvait pas répondre à la plus simple des questions, je lui ai proposé d'ajouter son fils comme contact. Je suivais les bonnes procédures d'authentification apprises en formation, mais la CEO estimait que, parce qu'il y avait une note spéciale dans le dossier, j'aurais dû laisser tomber. Elle a également jugé que j'avais échoué à deux autres procédures que je ne connaissais pas et pour lesquelles je n'avais suivi aucune formation. Je savais que la CEO n'était pas au courant de mon handicap, et son attitude insensible et hostile m'a dévastée professionnellement et moralement. Pour aggraver les choses, elle l'a fait un vendredi après midi, ce qui m'a laissé peu de temps pour corriger les problèmes. (La CEO a pris sa retraite environ deux ans plus tard, et je me suis toujours demandé si elle avait déjà reçu une formation sur la façon de traiter avec des personnes ayant un handicap invisible.) La nuit suivant cette rencontre difficile, on m'a présentée à quelqu'un qui allait changer ma vie. Cette personne s'est avérée être la distraction parfaite, car au lieu de m'inquiéter au sujet du travail pendant toute la fin de semaine, j'ai fait de mon mieux pour en faire abstraction et être prête à me rattraper le lundi. À mon retour, ma chef d'équipe m'a appelée au bureau pour parler du rapport. Elle craignait clairement que je sois anéantie. Je lui ai dit discrètement que j'allais m'améliorer, mais que quelque chose de merveilleux venait de se passer pendant la fin de semaine; si je ne semblais pas complètement dévastée, c'était pour une bonne raison. Elle a souri et m'a dit de me remettre au travail. Et je tiens à mentionner que mon contrat a été renouvelé. Cependant, contrairement au reste de ma classe, je n'ai jamais reçu de courriel m'en informant. À ce jour, je continue de me demander pourquoi. Après avoir travaillé pour Service Canada pendant plus d'un an, j'ai été appelée par ma chef d'équipe qui m'a dit que mon contrat était maintenant d'une durée indéterminée. C'était peut-être l'un des plus beaux jours de ma vie d'adulte.

En y réfléchissant, mon histoire peut sembler se terminer comme un film de Disney. Cependant, les aventures que j'ai vécues en cours de route devraient servir de leçon lorsqu'il s'agit de travailler avec des personnes ayant le syndrome d'Asperger. Pour de nombreuses personnes souffrant de ce syndrome, le simple fait de réussir la présélection dans une certaine confusion quant au poste demandé pourrait être très déroutant. Le sentiment de marginalisation tout au long de la formation pourrait dévaster de nombreuses personnes dans le spectre. Je veux également souligner que, pour une personne souffrant du syndrome d'Asperger, je suis considérée comme très fonctionnelle. Pourtant, sans les mesures d'adaptation prises et peut-être même la distraction qui m'a finalement permis de me détendre, je sais pertinemment que je n'aurais pas survécu. Je souhaitais désespérément que cet emploi fonctionne, car à mon âge, j'avais besoin d'un bon emploi pour survivre le reste de ma vie. Il est clair pour moi qu'il faut établir un plan plus concret sur la manière de traiter avec les personnes ayant un handicap invisible. Un dirigeant syndical m'a dit que j'étais la première à arriver avec un handicap invisible déclaré.

Je ne veux pas être la dernière.

Merci beaucoup d'avoir pris le temps de lire mon histoire!